introduction : une tragédie oubliée aux accents poétiques
Parmi les nombreux récits incestueux de la mythologie, celui de Caunos et Byblis, conté par Ovide dans les métamorphoses, se distingue par sa grâce mélancolique et sa dimension profondément humaine. Contrairement aux unions divines ou aux malédictions sanglantes (comme celle d’œdipe), cette histoire – souvent éclipsée – offre une subtile exploration de l’amour interdit, du désir inavouable et de la rédemption par la métamorphose.
1. le mythe : une passion sœur-frère aux conséquences envoûtantes
a. les personnages
- Byblis : une jeune princesse, fille du fleuve méandre.
- Caunos : son frère jumeau, d’une beauté surnaturelle.
b. le drame en trois actes
- l’éveil du désir : byblis réalise que son amour pour caunos dépasse l’affection fraternelle. ovide décrit ses tourments nocturnes avec une sensibilité rare :
« elle rêve de baisers, et rougit de ses propres songes. » - l’aveu et le rejet : après une lettre bouleversante (l’un des premiers « poèmes d’amour » de la littérature occidentale), caunos, horrifié, fuit en lycie.
- la métamorphose : byblis, éplorée, erre dans les forêts jusqu’à ce que les nymphes, par pitié, la transforment en source aux larmes éternelles.
2. pourquoi ce récit est-il « beau » ?
a. une approche psychologique moderne
Ovide peint Byblis non en coupable monstrueuse, mais en jeune femme déchirée :
- dilemme moral : elle sait son amour impie (« je le sens, c’est un crime… »), mais ne peut le nier.
- modernité : ce conflit préfigure les romans tragiques comme phèdre ou les souffrances du jeune werther.
b. la poésie de la métamorphose
La transformation finale n’est pas une punition, mais une libération :
- la source devient symbole de pureté et de douleur sublimée.
- contrairement à médée ou œdipe, byblis ne cause de mal à personne.
c. un inceste « blanc » (contrairement à nos histoires !)
- aucune consommation charnelle : le désir reste platonique.
- ambiguïté : certaines versions suggèrent que caunos partageait ses sentiments avant de céder à la peur sociale.
3. comparaison avec autres mythes incestueux
mythe | relation | tonalité | issue |
---|---|---|---|
byblis et caunos | sœur → frère | lyrique/tragique | métamorphose (source) |
œdipe et jocaste | fils → mère | tragique/sanglante | suicide, aveuglement |
zeus et héra | frère → sœur (dieux) | normative | mariage sacré |
myrrha et cinyras | fille → père | horrifique | transformation (arbre) |
pourquoi Byblis se démarque ?
→ absence de violence : pas de meurtre, viol ou malédiction divine.
→ empathie : Ovide invite à plaindre plutôt qu’à juger.
4. postérité littéraire et artistique
- peinture : Byblis transformée en fontaine (William-Adolphe Bouguereau, 1884).
- psychanalyse : exemple de « désir impossible » avant la lettre.
- littérature : inspira des héroïnes romantiques comme Emma Bovary.
conclusion : la beauté du désir impossible
L’histoire de Byblis et Caunos est sans doute le plus beau récit incestueux de la mythologie parce qu’elle transcende le tabou pour toucher à l’universel :
- c’est une histoire d’amour avant d’être une histoire de transgression.
- la métamorphose offre une résolution poétique plutôt que moralisatrice.
- ovide y déploie toute sa finesse pour explorer les ombres du cœur humain.
« les dieux eurent pitié : là où byblis pleura, une source jaillit,
dont l’eau claire est le seul vestige de ses larmes. »
en savoir plus :
- les métamorphoses, Ovide (livre ix).
- l’inceste dans la littérature antique, Claude Calame.
A lire nos histoires d’inceste beaucoup plus explicites !